Le mercredi 17 mai à la Librairie des Volcans, l’association Lieutopie a proposé une rencontre autour d’un de ses thèmes phares : le féminisme. Pour cette rencontre-débat, Lieutopie a convié Julie Abbou. Elle est écrivaine et chercheuse en sciences du langage. La sortie de son ouvrage, “Tenir sa langue. Le langage, lieu de lutte féministe” a été l’occasion de se replonger dans l’histoire de la langue française et de son évolution dans le temps.

Julie Abbou présente un parcours riche et diversifié. De punk à Marseille à linguiste à Paris, en passant par enseignante à Metz.  Son livre s’articule autour de la place fondamentale que tiennent les mots et le langage dans le féminisme. La langue, selon elle, est un espace de résistance, un outil de lutte. Sa vision s’inscrit dans l’idée que le langage est un levier pour donner du sens au monde en évolution. Elle s’oppose ainsi à la la vision conservatrice qui le réduit à un simple système de dénomination.

« Tenir sa langue », est une expression souvent synonyme de retenue. Elle est réinterprétée par Julie Abbou qui illustre la nécessité d’assumer et de défendre sa place au sein de la langue française. Elle insiste sur le fait que le langage est un outil d’expression personnelle, mais aussi un moyen de définir le monde et les autres, une dynamique au cœur de l’engagement féministe.

L’écriture inclusive est un positionnement politique

L’écrivaine aborde également le sujet controversé de l’écriture inclusive, qu’elle situe dans un contexte historique et politique. Cette pratique, bien qu’ancienne, a été associée à d’autres noms tels que « la grammaire Queer » par exemple. Julie Abbou lie l’adoption récente du terme « écriture inclusive » à un changement de contexte politique. C’est à dire, au désir de rendre le concept moins militant et plus attrayant pour un public plus large.

Pourtant, c’est exactement l’inverse qui s’est passé. Aujourd’hui, l’écriture inclusive est devenue un positionnement politique. Par exemple, l’écriture inclusive apparaît dans les brochures des universités parisiennes dites de gauche”. Elle est totalement absente dans celles considérées comme plutôt conservatrices. D’ailleurs, elle pointe, non sans humour, le raccourci trop souvent emprunté “féminisme – wokisme – islamogauchisme.

Elle expose également la complexité du genre grammatical dans la langue française, relevant le caractère souvent simpliste de son traitement dans les grammaires et la résistance face à sa modification. En effet, la notion « c’est le masculin qui l’emporte”, n’est jamais présenté d’une manière aussi frontale. On choisit plutôt d’illustrer le concept par une série de phrases qui prouve par l’exemple la domination du masculin sur le féminin.

Julie Abbou souligne l’importance de reconnaître le rôle du langage dans le maintien d’une tension, essentielle au progrès social. Les prises de positions sur le genre et la place du genre dans la langue française ne sont que l’illustration des courants qui traversent nos sociétés. Une approche conservatrice face à une vision progressiste.

En conclusion, Julie Abbou dépeint le langage comme un outil puissant mais pas tout-puissant. Capable d’influencer la réalité sociale sans pour autant la transformer à lui seul. Elle appelle à une prise de conscience de l’importance du langage dans la lutte pour une société plus inclusive. Le défi est immense, mais, comme le dit si bien l’écrivaine, la joie et le désordre sont les moteurs essentiels des luttes.