Profs, principaux de collèges ou lycées, responsables relations entreprises, chargés d’orientation ou conseillers France Travail, tous partagent le même constat. Globalement, les jeunes auxquels ils ont à faire au quotidien ne sont pas franchement inspirés pour la suite de leur ‘carrière’. Et quand on leur parle « industrie », au mieux, cela n’évoque rien du tout, au pire, c’est plutôt un repoussoir. Il y a donc beaucoup à faire pour casser ces clichés et là encore, chacun partage la conviction qu’il faudra du temps. Beaucoup de temps.

En effet, il faudrait d’abord renverser les imaginaires associés à la littérature ou au cinéma, type Germinal. Mais aussi, particulièrement dans le bassin thiernois par exemple, aller au-delà des traces laissées par l’histoire récente de la transformation industrielle. C’est donc au coeur de Hall 32, lieu totem de l’industrie du futur, qu’Isabelle Letort rassemblait les acteurs du CMQ. Ceux de l’orientation, de la formation ainsi que des entreprises industrielles .

Un CMQ, c’est un Campus des Métiers et Qualifications. C’est à dire un réseau d’établissements d’enseignement secondaire et d’enseignement supérieur, de formation initiale ou continue, construits autour d’un secteur d’activité correspondant à un enjeu économique d’un territoire. « Leur dynamique doit faciliter l’insertion des jeunes dans l’emploi. Ils peuvent en outre s’inscrire dans une synergie avec les pôles de compétitivité régionaux ».

En Auvergne, 4 CMQ et bientôt 5

Des CMQ en Auvergne, il y en a quatre. Le PID, sujet du jour, pour Production Industrielle de Demain. Egalement un CMQ DM&I, Design, Matériaux et Innovation. Un autre consacré au Thermalisme, Bien être et Pleine Santé et enfin, un dernier sur l’aéronautique et le spatial. Un cinquième CMQ est en cours de labellisation sur Logistique transports: solutions connectées et durables…

Un enjeu commun d’attractivité et d’employabilité

L’enjeu commun est bien de renforcer l’attractivité des métiers de l’industrie et l’employabilité des jeunes ou des reconversions. C’était évoqué en mode blague par les participants : les établissements de formation peuvent être concurrents. En effet, dans un contexte d’insuffisance de vocations, ils proposent des formations identiques ou comparables, en particulier au magnifique outil que constitue Hall32. Plus sérieusement, ils ont donc tous intérêt à accroitre le volume global des candidats potentiels. C’est tout l’enjeu de ce Campus dédié à l’industrie labellisé en décembre 2022. Ce CMQ a été co fondé par le Pôle de Compétitivité Cimes, le Rectorat, l’Université et l’association porteuse de Hall 32, 2ARAMI. Il rassemble 15 lycées, 11 composantes de l’Université, 3 Centre de Formation des Apprentis et UCA Partners. L’objectif est de faire réseau pour prendre en compte les besoins des entreprises du territoire, adapter les formations et ainsi accroitre l’employabilité des candidats potentiels. Et bien sûr, de renforcer l’attractivité du secteur et des métiers en développant l’information.

C’est Isabelle Letort, Directrice opérationnelle Production Industrielle de Demain, qui répondait à nos questions.

Itw du 10 avril 2024

Des indicateurs pour évaluer

L’efficacité d’un campus des métiers est évaluée sur plusieurs critères

  • l’évolution du nombre d’élèves entrés en formation
  • le nombre d’événements contribuant à renforcer la lisibilité de l’offre de formation et la découverte des métiers
  • le nombre de colorations de formations proposées. Les colorations sont des heures additionnelles, complémentaires au programme officiel d’un diplôme. Elles correspondent plus spécifiquement à des besoins exprimés par les entreprises du territoire.
  • la tendance en terme de recrutements (évolution du nombre et de la qualité des candidatures par exemple)
  • et enfin des critères liés à la dynamique structurelle du réseau. L’évolution du nombre d’adhérents, le dynamisme des activités, les collaborations entre campus…

Des carrières plus rapides et un bon niveau de salaire

Isabelle Letort avait invité trois entreprises industrielles à témoigner, John Cockerill, RSTP et Constellium. Trois entreprises de profils très différents mais dont le discours était globalement très fortement consensuels. Les besoins de recrutement sont énormes et – ce n’est pas un scoop- l’image de l’industrie reste trop peu attractive. Résultat des efforts conséquents sont déployés par les employeurs pour donner envie d’industrie aux jeunes. Et surtout, fidéliser ceux qui y viennent.

Selon la Caroline Le Gloanec, DRH, l’entreprise John Cockerill accueille actuellement 22 alternants. L’objectif serait de tous les garder … à condition qu’ils veuillent bien rester ! Il faut donc que l’entreprise déploie ses arguments. Celui du salaire pour commencer. En comparant les niveaux de salaires entre fonctions supports et production, Caroline Le Gloanec démontrait la supériorité des niveaux de salaires en production. Elle prenait l’exemple d’un technicien de maintenance-denrée rare semble-t-il- qui atteint un niveau de salaire autour de 40K après seulement 2 ans d’expérience et se rapproche de 45-50k après 5 ans. Celui de la rapidité de progression ensuite. Au bout de 3 ans, un jeune doté des qualités personnelles requises (implication, adaptabilité, management, respect de la sécurité…) peut devenir chef d’équipe, puis chef de chantier puis manager ou expert.

Des métiers qui pourraient pourtant attirer

Les métiers de l’industrie présentent des caractéristiques qui paraissent plutôt recherchés par les jeunes. Ce sont des métiers concrets, dont on perçoit immédiatement le résultat. Des métiers où le travail se mène en équipe, avec un fort sens du collectif. Des métiers variés aussi, qui peuvent permettre une mobilité internationale et surtout une progression de carrière rapide. La formation interne occupe une place importante pour les trois entreprises, à des degrés divers. Constellium par exemple, a développé sa propre formation. Cela lui permet de recruter à partir du CAP, quel que soit le profil (Boulanger ou Petite Enfance !) pourvu que l’envie soit là.

Pour Réparation Soudure Travaux Publics , 9 salariés, et selon sa propriétaire, plus proche de l’univers germinal que de Hall 32, l’impératif est que les candidats aient l’envie et les connaissances de base. (du genre convertir des cms en mms ou dessiner un trapèze). Et ensuite, c’est l’équipe qui assure la formation. Cette notion de transmission de compétences interne est d’ailleurs capitale. Notamment en lien avec le vieillissement des salariés. L’entreprise accompagne les envies de progressions, non pas dans une logique hiérarchique mais dans une acquisition de compétences et de qualifications complémentaires.

Filles bienvenues

Comme pour d’autres secteurs historiquement genrés, un travail de fond est engagé pour déconstruire les stéréotypes et ouvrir la voie aux jeunes filles. D’ailleurs, Hélène Brignon d’AstuSciences animait un atelier autour des clichés et stéréotypes. Sensibiliser, faire prendre conscience des raccourcis mentaux mais surtout donner quelques clés pour les contourner.

Le questionnaire d' »auto évaluation sur mes postures stéréotypées lors d’une activité scientifique » propose une approche très intéressante et originale. Elle est plutôt centrée sur les bonnes pratiques à adopter pour se distancer de réflexes bien ancrés ! Plein de sources pour alimenter la réflexion par ici sur EchoSciencesAuvergne.

Sur les initiatives pour donner envie d’industrie, voir nos reportages sur SMILE ou l‘opération annuelle conduite par l’UIMM