D’ici quelques mois, la première boutique en France “Bienvenue à la ferme” gérée par des entrepreneurs va voir le jour à Clermont-Ferrand. Une approche innovante d’approvisionnement de produits  en circuit-court. Ce sont trois “presque” trentenaires qui se sont lancés dans cette aventure, initiée par le réseau Fermes & Co. Rencontre avec les fondateurs qui partagent avec nous leur philosophie derrière ce projet.

Avant de parler de cette nouvelle boutique “relais-producteurs”, parlez-nous un peu de vous.

Edgar Robillon.

Je suis un riomois pure souche. Mes parents sont dans le commerce, même si avant cela, mon père a été pendant plusieurs années professeur de tennis. Je pense que ma fibre entrepreneuriale vient de leur parcours professionnel. Après un parcours scolaire chaotique, j’ai intégré l’école de commerce de Clermont-Ferrand avec une spécialisation Commerce et Management et une partie à l’international. J’ai oublié de le mentionner, mais je suis un passionné de sport. J’ai longtemps pratiqué le tennis et de nombreux sports. Actuellement, je pratique le rugby depuis de nombreuses années, et c’est d’ailleurs par le rugby que j’ai rencontré Tristan et Thomas.

Après une première mission en tant que salarié dans un club de rugby, j’ai rejoint Décathlon. D’abord comme responsable de rayon, et aujourd’hui, je suis directeur adjoint pour le Décathlon de Clermont-Ferrand.

Tristan Chomet.

Je suis également un Auvergnat, né à Clermont-Ferrand. Pour ma part, je n’ai pas eu de souci avec l’école. J’ai décidé de faire un bac pro ébénisterie, avant d’enchaîner avec une fac de théâtre à Nice. J’ai réalisé au bout de 6 mois que ça ne me correspondait pas et je suis retourné en Auvergne. J’ai eu différentes expériences professionnelles dans plusieurs secteurs. Puis, j’ai intégré également le Décathlon de Clermont-Ferrand comme vendeur au rayon randonnée pendant 4 ans. Parallèlement, je faisais aussi du rugby, et j’étais chargé d’une partie de la communication digitale du club. C’est grâce à cela que j’ai développé des compétences dans ce domaine.

Thomas Poulin

Je ne suis pas auvergnat, mais je viens du monde rural. Le Loir-et-Cher, plus précisément. Après mon bac, j’ai fait une prépa vétérinaire, mais malheureusement, j’ai loupé le concours d’entrée. Je me suis reconverti dans une licence pro dans la valorisation des produits de l’élevage. J’ai toujours eu un intérêt pour le monde animal. Pendant mes études, j’ai effectué un stage dans un magasin de producteurs. Je suis arrivé en Auvergne grâce à un poste que j’occupais jusqu’à maintenant. En effet, j’étais chargé du suivi en abattoir, et j’avais une deuxième casquette autour du suivi de qualité pour les cahiers des charges et notamment le label HVE. Et comme les deux autres, je suis sportif de bon niveau dans le club de rugby de Riom.

Vous allez ouvrir une boutique Bienvenue à la ferme. Comment est née cette idée ?

On se connaît tous les trois depuis plusieurs années. On a des profils très différents et très complémentaires et cela fait un moment que l’on avait envie d’entreprendre ensemble. Au départ, nous avions pensé à des Halles Gourmandes, sans trop savoir comment nous y prendre. C’est Thomas qui nous a parlé de son expérience dans ce magasin de producteurs et ça nous a intéressés. Il était en contact avec la Chambre d’Agriculture de par son activité. C’est comme cela qu’il a entendu parler du concept Fermes&Co porté par la Chambre d’Agriculture. Ça nous a tout de suite plu, parce que nous sommes tous les trois des épicuriens très attachés à leur territoire.

On est nombreux à connaître la marque Bienvenue à la ferme, mais le concept Fermes&Co… pas tellement

En effet, Bienvenue à la ferme est une marque déposée par la Chambre d’Agriculture. Au départ, l’objectif était de promouvoir la vente directe à la ferme. Ensuite, la marque a développé d’autres propositions : le tourisme fermier, le drive, les fermes pédagogiques, etc …

Fermes&Co et les magasins relais de producteurs Bienvenue à la ferme, c’est une affiliation. C’est un peu comme une franchise, mais c’est beaucoup plus permissif et surtout beaucoup moins cher qu’une franchise.

À la différence des magasins de producteurs qui sont gérés par des producteurs, souvent à côté des exploitations, et donc en zones rurales, le relais de producteurs a une vocation plus citadine. Avec ce  nouveau concept, l’ensemble des producteurs locaux peuvent diffuser leurs offres, mais ce sont bien des entrepreneurs qui portent le projet.

Est-ce qu’il existe d’autres boutiques Fermes & Co de ce type ? Ou êtes-vous des défricheurs ?

Cinq boutiques pilotes ont été déployées dans l’Ouest de la France, mais la boutique de Clermont-Ferrand sera la première portée par trois entrepreneurs. La Chambre d’Agriculture souhaite accélérer le déploiement de ces nouveaux concepts partout en France. Elle vise 100 magasins d’ici 2026.

Comme nous sommes les premiers, en effet, nous n’avons pas de modèle clé en main, mais en revanche nous avons un très bon accompagnement. Finalement, nous co-construisons avec les équipes de Bienvenue à la ferme, que ce soit la façade du bâtiment ou la communication, et c’est extrêmement enrichissant pour nous.

Derrière le logo “Bienvenue à la ferme” et derrière ce concept, quels sont vos engagements auprès des consommateurs ?

Toute notre stratégie repose sur trois piliers: local – qualité – de saison

Nous allons travailler dans un périmètre géographique assez restreint, puisque ce sont les producteurs qui livreront leurs marchandises. Ce qui permettra également de limiter l’empreinte carbone.

De qualité fermière : nous proposerons différentes gammes de produits, certains bio, d’autres pas. Néanmoins, nous allons rencontrer individuellement tous les producteurs, pour vérifier nous-mêmes la qualité des produits. C’est ce que sont en train de faire Tristan et Thomas en ce moment.

Et enfin, de saison.

Par ailleurs, ce que nous voulons avant tout, c’est mettre en place une relation de confiance avec les producteurs. Nous serons uniquement en circuit-court. Nous ne discuterons pas les prix, nous ajouterons juste un coefficient pour notre marge. Nous revendiquons que nos produits permettront une juste rémunération de tous les producteurs qui travaillent avec nous. C’est absolument essentiel, sinon, pour nous, ça n’a pas de sens.

Vous parlez de sens. En effet, quel sens mettez-vous derrière ce projet ?

Nous avons chacun des motivations différentes. Pour Thomas, je pense pouvoir dire sans me tromper que c’est la relation aux producteurs, et derrière, la préservation du tissu économique local. Mettre en avant la qualité et la richesse de chaque région, de chaque terroir.

Pour Tristan, c’est également la fierté de promouvoir des produits locaux, mais également la dimension écologique et responsable de la démarche. Nous serons vigilants sur nos approvisionnements. Aujourd’hui par exemple, il existe des exploitations gigantesques en bio. Ce n’est pas le modèle que nous défendons. Pour nous, c’est la qualité fermière qui prime.

Pour ma part, je suis convaincu que ce type de modèle jouera un rôle important dans la consommation de demain. Nous sommes conscients que c’est seulement une partie de la population qui visitera notre magasin, pour autant, de nombreux consommateurs sont demandeurs de plus de local dans leur alimentation.

Si vous laissez le producteur fixer le prix de vente, est-ce que le risque n’est pas de proposer des produits beaucoup plus chers qu’ailleurs, et notamment en grandes surfaces ?

On a travaillé notre business plan. Comme ce sont les producteurs qui nous livreront la marchandise, nous aurons une ligne transport-logistique beaucoup plus faible. Le local de qualité n’est pas forcément plus cher. Au final, nous devrions être en mesure de proposer des prix quasi-équivalents à ceux des grandes et moyennes surfaces.

Mais d’ailleurs, qu’est-ce que l’on trouvera dans votre magasin ?

Nous aurons une surface commerciale de 380 m2, située juste à côté des futures Halles du Brézet. On retrouvera les rayons frais comme la crèmerie et la boucherie. Bien entendu, une gamme de fruits et légumes, bio ou pas. Un rayon épicerie, un petit rayon hygiène et beauté. Nous avons en tête les rayons indispensables, mais en fonction des rencontres avec de nouveaux producteurs, nous pourrons peut-être ouvrir de nouveaux linéaires.

C’est d’ailleurs, pour cela que nous avons pensé ce magasin comme un espace modulable pour pouvoir augmenter la capacité de certains linéaires en fonction des saisons.

Nous avons même aménagé une petite zone pour pouvoir faire de l’événementiel.

Nous aimerions beaucoup que ce magasin soit un lieu de rencontre entre les consommateurs et les producteurs. C’est pour cela que nous avons déjà installé une petite cuisine pour des possibles animations à venir.

C’est assez enthousiasmant, quelles sont les prochaines étapes ? Quand pourra-t-on pousser la porte du magasin Fermes & Co ?

Nous espérons ouvrir en mars 2023. Nous souhaitons organiser une inauguration avec toutes nos parties prenantes et nous réfléchissons encore pour proposer un événement à nos futurs clients pour l’ouverture.

C’est l’instant carte blanche

Nous n’avons pas la prétention de dire que nous sommes pionniers sur ce créneau-là. Cela fait des années que de nombreux producteurs vendent les produits issus de leurs exploitations en direct.

En revanche, c’est vrai que nous sommes très enthousiastes, car nous participons à une toute nouvelle aventure. C’est une approche vraiment différente, c’est d’ailleurs pour cela que nous insistons sur le fait que nous sommes “relais-producteurs”.

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