Par Damien Caillard

Quentin accompagne des projets et organisations vers la résilience et la transformation face aux limites planétaires et sociétales. Il y facilite l’utilisation des méthodes de design systémique et d’intelligence collective.


L’innovation est-elle pour toi la solution aux problèmes environnementaux ?

Si l’on conçoit l’innovation comme un ensemble de méthodes qui permettent de trouver des réponses acceptables à de véritables problèmes, comme un moyen de devenir plus lucide et efficient, alors oui ! Si c’est faire du nouveau pour faire du nouveau, alors selon moi c’est une innovation qui créé des problèmes. L’innovation technologique, sans innovation sociale semble n’apporter que de nouveaux effets rebonds, diviser les communautés humaines et s’ajouter aux anciennes technologies sans les remplacer. Dans ces cas, en fin de compte, elle augmente encore notre impact destructeur sur les écosystèmes sans améliorer la condition de tou.te.s.

Est-il temps de relocaliser l’innovation pour répondre aux enjeux des hommes ?

Oui ! L’innovation, surtout sociale, n’est pas universelle : elle dépend du point de vue. Mais c’est intéressant : le but n’est plus de globaliser une solution ! Si on avait une façon de concevoir le monde qui était complexe et lucide, on se rendrait compte que les besoins sont communs, mais les façons de les satisfaire sont différentes dans chaque communauté, dans chaque territoire. Tout le monde a besoin de manger … mais tout le monde n’a pas la même stratégie d’alimentation : on peut se nourrir d’insectes ici, de légumes là, faire pousser en toutes saisons ou juste en été …

Si on accepte cette diversité, cela va nous ramener au local, et c’est là que les méthodes d’innovation deviennent un moyen de réparer les bêtises, en émancipant les gens, en leur redonnant les clefs de leur autonomie. De plus, comme on va atterrir, dans un monde irréversible – une unité d’énergie consommée n’est pas récupérable – mieux vaut faire des petites erreurs à des petits endroits que des grosses bourdes mondiales. Pour autant, ce n’est pas un retour au localisme béat, mais une reconnaissance de l’interdépendance : nous avons besoin de communiquer pour partager les connaissances et expériences, et ainsi aider les autres communautés à se les approprier. Des méthodes d’intelligence collective ou de design, ou bien des innovations sociales ou techniques comme les licences Creative Commons ou internet sont la clef de cette innovation terrestre …

Quelles solutions proposes-tu sur l’Auvergne ?

Je porte des démarches collectives de transformation sociétale locale (Collectif des Possibles, Nous Sommes Prêt.e.s) qui mettent les méthodes d’intelligence collective, de design systémique et de gouvernance partagée au coeur : « les moyens déterminent la fin ».

La clé de ces méthodes, comme la « sociocratie » en gouvernance partagée par exemple, c’est de cultiver ce soin au processus et aux relations. Par exemple, on se pose systématiquement la question de l’intégration dans la gouvernance et dans l’action de toutes les parties-prenantes. (…) Naturellement, les solutions développées comme ça prennent plus de temps, mais ne laissent personne sur le bord de la route. Elles créent durablement du commun.

Naturellement, cela va faire décélérer la société, prendre le temps de se poser les bonnes questions, repolitiser l’économie et l’innovation. Au final, quand ont émergé les entreprises mondialisées, ont émergé les problèmes mondialisés. On a créé des problèmes à des échelles tellement grosses … qu’ils nous dépassent. On doit accepter le fait qu’il y a une limite “métabolique” aux organisations.


Pour en savoir plus, lisez l’entretien du Connecteur avec Quentin


Propos recueillis à Epicentre le 3 novembre 2019. Photo fournie par Quentin.