Lundi 27 novembre, l’ESC Clermont Business School recevait Jean-Christophe Guérin, ex-directeur Manufacturing du Groupe Michelin et Jean-Michel Frixon, ouvrier retraité de Michelin. L’objectif était d’aborder les sujets de la transformation des pratiques managériales et la prise en compte de l’humain dans le management. Cette conférence a suscité de l’émotion dans le public ainsi qu’un échange de questions et de réponses enrichissantes.

Deux hommes, deux parcours

Après avoir passé 43 ans de sa vie dans la production chez Michelin, Jean-Michel Frixon témoigne, aujourd’hui, de ses postes expérimentés en tant qu’ouvrier. Il écrit son premier livre autobiographique, « Michelin, Matricule F276710 », en 2020, lors du confinement. Dans cet ouvrage, il explique avoir un besoin de retracer sa vie professionnelle pour “transmettre” à ses enfants, mais aussi pour donner une “valeur universelle” à son ouvrage. En effet, il souhaite à travers ses écrits, sensibiliser les lecteurs sur les différentes méthodes de management. Ces dernières sont parfois respectueuses des employés, mais sont aussi parfois toxiques. Il publie, en 2023, son second ouvrage, “L’ouvrier qui murmurait à l’oreille des cadres”.

Jean-Christophe Guérin, quant à lui, entre dans le Groupe Michelin en 1985. Il occupe différents postes à haute responsabilité au sein de l’entreprise. A la suite de sa rencontre avec Jean-Michel Frixon, il entreprend un travail d’amélioration des méthodes de gestion au sein du Groupe. Ces changements s’opèrent aussi bien dans la manière de recruter que dans la manière de former les managers.

Un duo improbable

Lors de la parution de son premier livre, La Montagne lui dédie une pleine page dans le quotidien. Cette visibilité l’amène à être remarqué par Jean-Christophe Guérin. C’est précisément ce récit franc et sans artifice sur la gestion au sein de l’entreprise qui suscite l’intérêt du Directeur de la Fabrication du Groupe Michelin. A la suite d’une entrevue d’une heure trente, Jean-Christophe Guérin lui propose un déjeuner avec les plus hauts-dirigeants du groupe. 

Pendant la conférence Jean-Michel Frixon mentionne à plusieurs reprises sa surprise d’avoir été placé à la droite du haut-responsable, qu’il considère comme une vraie marque de respect. Lors ce déjeuner, Jean-Christophe Guérin lui propose alors un tour de France des quinze usines Michelin, afin de parler de son histoire, de son livre et de sa vision du management. 

La promesse qu’il lui fait d’avoir “carte blanche” sur ses prises de paroles surprend Jean-Michel Frixon. 

Ce tour de France est un succès. A chacune des quinze étapes, Jean-Michel Frixon est accompagné d’un de ses anciens chefs.  Tout au long de ce voyage, l’ouvrier à la retraite a pu échanger librement et sans filtre avec des ouvriers et des cadres des différentes usine Michelin.

Une nouvelle vision du management

Dans son premier ouvrage, Jean-Michel Frixon aborde des relations parfois empreintes de respect, mais bien trop souvent marquées par la douleur. Il se place en porte parole des angoisses subies par certains employés à cause des “petits chefs”, à travers des exemples concrets de son vécu. 

“Une fin d’année, mon chef me félicite pour mon travail. A ce moment, j’ai un espoir de pouvoir enfin m’entendre avec lui. Il me présente ma fiche d’augmentations, en précisant: “Je t’invite à la regarder à ta place”. Je décide de l’ouvrir face à lui et je vois écrit en marge : “Un magnifique 0 % d’augmentation”. En partant il me rattrape en disant : “N’oublie pas de signer la feuille Jean-Michel !.”

Il partage encore un autre exemple, “Un jour, en réunion, mon portable sonne. D’habitude je ne le prends pas mais, je vois que c’est mon fils qui m’appelle. Il m’annonce avoir réussi ses études à Bac +3 et avoir reçu sa carte de journaliste. Il n’avait pas de plus beau cadeau à me faire, et je craque de bonheur. En raccrochant, mon chef me dit : “Ah bon ? Ton fils a fait des études ? Parce que, moi, ma fille elle est infirmière et elle a Bac +5”.”

Pour Jean-Michel Frixon : “Un bon manager doit, avant tout, avoir conscience qu’il a besoin de ses employés pour réussir. C’est de cette manière que le respect, la considération, l’humain et l’équité peuvent triompher et instaurer des relations professionnelles sereines”. 

Il termine son discours par quelques mots de Montesquieu qu’il trouve applicables dans toutes les hiérarchies professionnelles : “Pour réaliser de grandes choses, il ne faut pas être un grand génie, il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux”.