Le festival international du court-métrage est également l’occasion d’aborder les enjeux sociétaux dans le monde du cinéma. Pour cette édition la place des femmes et la notion de consentement ont fait l’objet de plusieurs rencontres.

La coordination d’intimité : une profession nouvelle

Dans un festival ayant pour thème la « libido », il est normal de voir des films comportant des scènes érotiques. Par le passé, ce genre de scène était réalisé de la même manière que toutes les autres. C’est pourtant des scènes particulières, où tout le monde n’est pas capable d’y consentir ou d’être à l’aise. C’est dans ces conditions que le métier de coordinatrice d’intimité s’est développé et se développe encore aujourd’hui. 

Pour présenter en quoi consiste cette profession, il faut savoir pourquoi elle est apparue. C’est suite au mouvement #MeToo que la question du consentement a été très fortement mise en avant. Et c’est en 2018 que le métier a émergé. Il est d’ailleurs encadré aux États-Unis avec un syndicat « SAG-AFTRA ». Une coordinatrice d’intimité, c’est donc une chorégraphe s’assurant que le tournage des scènes de sexe pour le grand ou le petit écran se déroulent bien.

Chanel Victor (lauréate de la 45ème édition du Festival du Court-métrage) en compagnie d’Aude N’Guessan Forget (réalisatrice d’Anansi) ont partagé ce que ça représente de tourner une scène intime dans leur film. Soulignant ainsi l’importance d’une coordinatrice d’intimité. L’actrice explique qu’elle pensait être plutôt à l’aise au début. Mais une fois le moment du tournage venu, c’était moins évident. Ne pouvant pas faire venir une coordinatrice d’intimité, faute de moyen et de temps, la réalisatrice a endossé ce rôle. Elle a rassurée l’actrice et lui a demandé ce qu’elle était prête à faire et à montrer. Aude N’Guessan Forget a fait de même avec l’acteur de ces scènes, qui était encore moins à l’aise.

Bien que peu connu en France, ce métier se développe beaucoup aux États-Unis et commence à apparaître progressivement en Europe. Par exemple, Philine Janssens, qui a présenté son travail au festival, est une coordinatrice d’intimité venue de Belgique.

Les 5 commandements

Philine Janssens parle de cinq piliers, à prendre en compte lorsque l’on parle de l’intimité :

  • 1 – Contexte : il faut se rendre compte que les scènes intimes sont différentes du reste du tournage et de l’histoire. Il ne faut pas aborder ce moment de la même manière.
  • 2- Chorégraphie : au même titre que pour faire des cascades, il faut se coordonner. Savoir qui fait quoi ? Où ? Avec qui ? Etc.
  • 3- Consentement : les scènes doivent être tournées avec l’accord de ou des acteurs et actrices. Il faut que cela viennent d’eux et de leur envie. En respectant les règles FRIES : 
    • Freely Given : donner son accord sans être forcé
    • Reversable : garder la possibilité de changer d’avis
    • Inform : avoir des informations transparentes sur les scènes qui vont être réalisées, comment cela va être rendu avec le montage et qu’elle image va être renvoyée.
    • Enthusiastic : il faut toujours tourner mais avec une certaine forme d’enthousiasme. Toujours sans contraintes.
    • Specific : Faire toujours attention au contexte. Ces scènes sont en effets « spécifiques » et il faut les traiter en tant que tel. 
  • 4- Communication : La coordinatrice d’intimité à un métier assez large, aux contours flous. « C’est une confidente et une sorte d’avocate« . Elle doit pouvoir faire parler les acteurs lorsqu’ils sont le plus vulnérables. Elle est aussi appelée à donner son avis sur les tournages, sur les castings… Elle invite à sexualiser le langage, utiliser franchement les termes qu’il faut pour que l’on soit conscient de ce que l’on parle. 
  • 5- Closure : Au moment du tournage, les scènes intimes doivent être faites avec un effectif réduit. Après le tournage, pour vérifier l’état d’esprit des acteurs, la coordinatrice se renseigne auprès des équipes de maquillages et des costumes. Dans certains cas, on peut faire appel à des doublures pour tourner certaines scènes. Néanmoins, il faut bien garder à l’idée que c’est l’image de l’acteur qui est en jeu. Il ou elle ne peut pas faire plus que ce qui a été convenu l’acteur, sauf accord de celui-ci.

Paye ton tournage

En marge du Festival, Lieu’Topie a organisé une rencontre avec des membres de l’association « Paye Ton Tournage » Alice Godart (monteuse) et Nina Vanspranghe (scénariste). Ayant vécu et été témoins de comportements sexistes, elles ont décidé de fonder une association pour alarmer les professionnels et le grand public et donner la parole aux victimes.

Après avoir reçu plus de 500 témoignages de personnes ayant vécu des comportements sexistes, elles ont décidé de publier anonymement ces mêmes témoignages et de cesser d’en diffuser de nouveaux car, selon Alice Godart, « Si les gens ne voient pas le problème, c’est qu’ils ne veulent pas le voir ».

Elle illustre cela avec une métaphore : « lorsque l’on veut ouvrir une enveloppe et que l’on se coupe, soit on renforce la peau, soit on utilise un couteau, soit on coupe encore et encore. Dans le contexte, cela donne, soit on encaisse de mieux en mieux, soit on agit, soit on encaisse et on en souffre encore et encore. »

Aujourd’hui, l’association mène surtout des campagnes de sensibilisation en organisant des rencontres. « Paye ton tournage » cherche à faire parler les victimes, à les accompagner et à les espaces vers des dispositifs juridiques. De plus en plus de réalisateurs/réalisatrices leur demandent leurs avis sur ces sujets. L’association entretient aussi un lien avec des coopératrices d’intimités pour gérer certaines situations.

Cela fait plusieurs années maintenant que le mouvement #MeToo a vu le jour. Pourtant, cela n’a pas permis d’éradiquer les comportements sexistes au cinéma. Bien que l’on puisse saluer ces initiatives, il reste encore beaucoup à faire pour promouvoir l’égalité et la diversité dans le cinéma.